Cette année, plusieurs livres animés et à la fabrication travaillée particulièrement intéressants sont sortis chez différents éditeurs. Voilà qui me réjouit tant cela peut allier à merveille narration, concept et attention à l’objet livre et à sa fabrication. Dans cette belle fin d’année, voilà que paraît le nouveau livre d’Anouck Boisrobert et Louis Rigaud, duo d’auteur.ices formés aux Arts déco de Strasbourg et qui voit paraître depuis une quinzaine d’années plusieurs pop-up et livres animés aux éditions hélium, apportant à chaque fois un système et un style différents, tous attachés à une forme narrative et non seulement à une succession de doubles pages animées. M’ont ainsi beaucoup marquée Popville, leur premier livre sur un texte de Joy Sorman, ou Océano. Parallèlement à cela, Anouck Boisrobert illustre différents albums et Louis Rigaud travaille comme graphiste et concepteur multimédia, souvent autour du jeu.

Les Trésors de Petite Fourmi est un livre animé de nombreux flaps et trous et qui peut se déployer en leporello doublé sur toute sa longueur, apportant alors relief et profondeur aux minutieuses animations. L’on y suit une petite fourmi, dont l’on peut retrouver le parcours par quelques points colorés en formant le tracé et les étapes. Son périple commence sur la page de titre percée d’un trou, annonçant le système, sous lequel on devine, si le livre est encore plié, toute une végétation et d’où semble sortir le petit insecte attiré par un cristal de sucre qu’il va emporter. Nous le retrouvons sur les pages suivantes où il s’empare d’une graine de pissenlit ou d’une brindille qu’il empile sur son dos pendant que les lecteur.ices peuvent le suivre et détailler son environnement par les nombreux volets à soulever renfermant tant de minuscules trésors de la nature que de petites bêtes de cette campagnes que l’on pourraient se plaire à suivre à leur tour dans de nouvelles aventures. Voilà qu’à ce que l’on pense d’abord être la fin de ce voyage, la fourmi est effrayée par un gros moineau et file dans un trou que l’on suit en retournant la page pour découvrir l’envers du livre et les galeries souterraines de la fourmilière, toutes aussi détaillées et fascinantes que l’extérieur.

Plusieurs façons de lire et d’interagir avec le livre se présentent alors aux lecteur.ices. L’on peut le déployer en leporello laissant apparaître tout le parcours et en suivre les détails des deux côtés en se déplaçant autour du livre. L’on peut également lire le livre en en tournant les pages classiquement, les pages se trouvant alors par moment doublées, quadruplées, voir plus. La superposition des couches de pages apporte alors un effet de profondeur saisissant sous les trous disséminés sous certains volets. Le relief est développé par l’empilement de pages percées et renforcé par les ombres des unes sur les autres. Quelle que soit la disposition du livre, les superpositions fonctionnent et évoluent pour en renouveler la lecture à chaque fois, ce soucis du détail technique restant totalement au service de la narration. L’on est impressionné par la finesse du travail de conception de ce livre que l’on se plaît à manipuler et observer en tous sens.

Toute l’histoire se passe à hauteur de fourmi, la faune et la flore nous semblant bien imposante par un effet d’échelle pouvant satisfaire les fréquentes passions de jeunes enfants pour les petites bêtes. Les lecteur.ices sont guidé.es dans le chemin à suivre par des textes simples et descriptifs des actions en cours formant des dialogues entre les insectes présentés comme des phylactères de bandes dessinées. La vue de la nature au recto est surplombante, comme serait celle d’un petit enfant qui se plairait à observer accroupi la vie grouillante du jardin. Le verso représentant la fourmilière prend lui l’aspect d’un plan de coupe permettant de suivre avec fascination les différentes galeries et l’organisation millimétrée qui y règne. On y suit alors la petite fourmi qui va s’y délester de sa récolte en utilisant son butin pour compléter un nid ou réparer une galerie. Différents insectes sont montrés en quatrième de couverture, petites bêtes que l’on pourra chercher, voire suivre, au fil de ce livre explorant la narration par le jeu et l’observation.

Pour ce livre, Anouck Boisrobert a utilisé des techniques d’illustration traditionnelles, elle qui travaille régulièrement au numérique sur leurs autres projets de livres animés. Elle a utilisé des papiers découpés dans des teintes naturelles du vert au marron en passant par l’orange appliquées aux feutres pour permettre une diffusion des couleurs qui vont parfois se mélanger, donner de subtils effets de nervures ou de nuances tranchant avec les formes simples et géométriques des plantes ou animaux à la ligne nette du découpage. Le blanc de la page est très présent. Au recto, le fonds est laissé blanc, permettant à l’œil des lecteur.ices de percevoir les subtilités des détails mis en scène et qui peuvent sembler posés et disposés comme dans un herbier. Au verso, si le fond couleur terre est bien présent, toutes les galeries ressortent du blanc de la page, laissant suivre le chemin et les différents arrêts et péripéties entre labyrinthe et jeu d’arcade.

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